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Collectif Science Pop'
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  • Science Pop' est un club créé par le CNRS et l'association les Petits Débrouillards Centre en 2004 à Tours. Il organise des débats ouverts à tous dans des lieux publics, en présence de spécialistes, autour de sujets de sciences et de sociétés.
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20 janvier 2009

Débat Science et Religion

Science Pop' vous réserve un débat sur "Science et Religion" d'ici le mois de mai 2009.
Voici un peu de lecture, en attendant:

Article paru dans Les Cahiers Rationalistes novembre-décembre 2008 – n°597 pages 25-28

Intervention d'Hélène Langevin-Joliot *

 

Présidente de l'Union rationaliste

Chers amis, citoyens et citoyennes

Je me réjouis que vous soyez nombreux et nombreuses ici. Permettez moi cependant de souligner combien il est important pour l'avenir de la laïcité que les femmes trouvent leur place plus encore qu'aujourd'hui dans ce combat.

 

Les attaques contre la laïcité ne proviennent pas seulement aujourd'hui de représentants directs de telle ou telle religion, Elles sont relayées et souvent initiées par les pouvoirs politiques eux-mêmes. La commission européenne prête une grande attention aux recommandations de la conférence des évêques, le parlement européen et l'assemblée générale du Conseil de l'Europe invitent le Pape à s'exprimer devant eux.

La France, où les traditions laïques sont particulièrement ancrées est un enjeu d'importance : Il est grave que l'activisme du président de la République en faveur des religions, la religion catholique en tout premier lieu, n'ait rien à envier à celui du Pape.

 

Le non-financement public de la visite du pape devrait aller de soi, conformément à la loi de 1905. Cette visite ne concerne que les catholiques. Nous voyons bien malheureusement qu'elle a été préparée et se déroule comme un évènement d'Etat, dans des conditions qui engagent nécessairement l'argent public. Le président de la République en recevant Benoît XVI en a profité pour prôner à nouveau une laïcité soi-disant positive. La révérence avec laquelle le chef de l'Eglise catholique est reçu, trop de publicité complaisante dans les médias, constituent un pas de plus dans un processus de cléricalisation que nous ne pouvons accepter.

 

La séparation des Églises et de l'Etat est pourtant l'objet d'un consensus très général dans la société française. Il ne s'ensuit pas que ses conséquences, telles que nous les entendons conformément aux traditions républicaines, le soient. Les ambiguïtés et les hypocrisies déployées au fil du siècle dernier pour contourner la loi ont débouché entre autres sur le financement public de l'enseignement privé, au motif de l'égalité des enfants et des convictions des parents. Les exigences de neutralité qui limitent actuellement le prosélytisme dans les établissements privés, à 90 % catholiques, pourraient bien être remises en cause, au prétexte du « caractère propre » des établissements et par référence à des pratiques courantes dans d'autres pays européens. L'emprise des religions sur la vie publique est en effet favorisée partout par une volonté de désengagement des États vis-à-vis des charges d'éducation et de solidarité sociale.

 

Elle l'est aussi par la complaisance envers les communautarismes. Le respect des droits de l'homme et le principe de non-discrimination ne nécessitent nullement, bien au contraire, d'abattre le rempart que représente la laïcité contre une structuration dangereuse de la société. Les communautarismes correspondent trop souvent, par delà les aspirations légitimes à la diversité culturelle, à un enfermement dans des traditions qui ne respectent pas les droits de l'homme et surtout des femmes. Les conséquences sont lourdes de danger pour l'individu, qui se voit dénier le libre choix de sa religion ou de son absence de religion, de ses liens personnels et de sa morale. Elles sont lourdes de danger pour la vie sociale.

 

Tous ne sont pas conscients, en France et plus encore en Europe, de l'importance de la laïcité pour leur avenir. Il ne suffira pas, pour important que soit cet objectif, de s'opposer en France à tout aménagement de la loi de 1905. Il ne suffira pas de réclamer la suppression de la référence au rôle spécial des Églises dans les traités et accords européens.

 

La laïcité doit être replacée au centre d'un ensemble de préoccupations très larges allant de la liberté de pensée et d'expression, à la solidarité et au combat contre les discriminations, en passant par la défense de la culture, de l'enseignement et de la recherche.

En 2008, le pouvoir d'achat des Français, des Européens aussi, est en effet insuffisant pour que les couches de la population les plus modestes puissent faire face à la hausse des prix de l'alimentation, du logement ou des transports.

Trop peu de nos concitoyens s'interrogent, face à cette situation, sur les rapports entre l'accent mis sur la religion et l'espoir des gouvernants de rendre plus supportable les dégâts d'une pseudo rationalité économique qui sélectionne les individus « méritants » et en laisse beaucoup d'autres sur le bord du chemin, Les religions comme substituts à la solidarité sociale qui relève de la responsabilité des Etats démocratiques? Les citoyens français et européens, s'ils en prennent conscience, ne seront probablement pas prêts à l'accepter.

 

Comme on sait, les objectifs de l'Union rationaliste se regroupent autour de deux axes majeurs : La défense du rationalisme, de la démarche scientifique et du rôle de la raison dans l'aventure humaine, la défense de la laïcité qui en séparant l'Etat et les religions permet à la société civile d'exercer ses choix hors des pressions idéologiques que celles-ci voudraient imposer.

Ces deux axes majeurs sont plus que jamais liés

 

Les attaques contre la laïcité s'effectuent en effet dans un contexte d'interrogations sur les conséquences des avancées scientifiques et techniques Le fait avéré qu'il n'y ait pas de relation linéaire entre progrès scientifique et progrès de la société sert de prétexte à certains pour attribuer à l'apport des Lumières et au rôle donné à la raison les désastres du siècle passé et ceux qui aujourd'hui nous menacent, tel le changement climatique. Ils oublient que la science a rendu possible, malgré d'insupportables inégalités, l'allongement de l'espérance de vie et l'amélioration du niveau de vie. Le « Grenelle de l'environnement », a donné un exemple de telles incompréhensions, en tenant à l'écart les communautés scientifiques en tant que telles.

 

La laïcité s'est imposée au début du siècle dernier parallèlement à la reconnaissance de l'importance du progrès scientifique et des espoirs qu'il ouvrait pour répondre aux attentes de la société. La laïcité a besoin aujourd'hui d'une refondation des rapports de la science et de la société.

Les réformes imposées aux grands organismes de recherches et aux universités, marquées par le recul de la démocratie, ne peuvent laisser les défenseurs de la laïcité indifférents. Les enjeux sont entre autres, la conception de la formation des étudiants, entre professionnalisation à trop court terme et formation culturelle, la place de la recherche fondamentale.

Les enjeux des réformes dans l'enseignement primaire et secondaire ne sont pas moins considérables.

Le socle commun de connaissances et de compétences qui définit les objectifs de la scolarité obligatoire juxtapose culture scientifique et culture humaniste. Cette dernière comprend l'enseignement du fait religieux, la connaissance d'extraits de la Bible et du Coran, mais omet la critique des religions, l'apport des Lumières, le caractère émancipateur du développement des connaissances.

La culture scientifique, réduite à sa fonction pratique, dépouillée de son aspect formateur à l'esprit critique et au libre examen, laisse la place libre non seulement à l'ignorance se parant du nom de « sciences parallèles », mais aux religions. Dans cette répartition des rôles, il revient à la science de fournir les compétences techniques nécessaires au développement économique, il revient aux religions d'apporter le supplément d'âme nécessaire à l'individu et la morale nécessaire à la vie en société.

 

Une bataille particulière mérite d'être menée sur le rôle du progrès des connaissances dans l'évolution des modes de pensée et des exigences éthiques. Mettre en rapport l'histoire des idées et les progrès de la science, c'est prémunir la société contre les tentations obscurantistes, c'est battre en brèche le concept d'une morale révélée, supérieure à toute morale d'essence humaine, produit de l'histoire.

On évoque beaucoup l'espérance. Nous mettons la nôtre dans une culture humaniste pour tous, intégrant la culture scientifique et les valeurs de la laïcité.

 

Intervention faite le 14 septembre 2008 au Gymnase Japy, 2 rue Japy à Paris, métro Voltaire.

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Article paru dans Les Cahiers Rationalistes novembre-décembre 2008 – n°597 pages 29-32

Laïcité, science, raison, foi quelques remarques sur la récente venue en France de Benoît XVI

Bruno Alexandre*

LE pape avait projeté de venir en France à titre privé pour se rendre à Lourdes. Notre président Nicolas Sarkozy s'est précipité pour l'inviter officiellement et le recevoir avec toutes les pompes de la République dont la Constitution proclame solennellement qu'elle est laïque, donc neutre vis à vis des cultes!.. Au lieu d'adopter une attitude de réserve le premier ministre fut aux premières loges, de l'esplanade des Invalides à l'aéroport de Tarbes.

Le discours de bienvenue à l'Elysée marque toutefois un recul par rapport aux prises de position délirantes des récents discours du Latran et de Riyad. En effet les racines de la France ne sont plus uniquement chrétiennes mais « entremêlées dans la pensée grecque et judéo-chrétienne, dans l'héritage médiéval, la Renaissance et les Lumières. » Dont acte !

Pas de changement par contre en ce qui concerne le principe de laïcité. Nicolas Sarkozy continue de marteler les vertus de la
« laïcité positive, la laïcité ouverte. » En cela la collusion est parfaite avec la position de Benoît XVI relevant avec délice
« la belle expression de laïcité positive » de son hôte. Cela dit il faut remarquer l'habileté du pape qui objectivement donne même une leçon à Nicolas Sarkozy en déclarant qu'il est fondamental
« d'insister sur la distinction entre le politique et le religieux », se justifiant en citant le Christ lui-même : «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est a Dieu. » Tant de bonne volonté prête à sourire quand on sait comment l'Eglise, après Constantin (début du IVe siècle), a continué à être liée aux pouvoirs politiques et les a cautionnés dans leurs guerres, au nom du respect des « autorités légitimes ».! On connaît aussi toute l'utilisation politique que font les papes du statut d'Etat dévolu au Vatican.

 

Il y aurait beaucoup à dire du discours plus intellectualiste de Benoît XVI au Collège des Bernardins. Ainsi on peut s'étonner de l'optimisme du pape quant à la perpétuation, par le monachisme, des
« trésors de l'antique culture », mais je voudrais surtout insister sur les questions de la raison, de la science et de la foi. A ce sujet Nicolas Sarkozy a rappelé dans son discours de bienvenue que le pape a toujours soutenu la thèse de la « compatibilité entre la foi et la raison. » Cette attitude n'est pas nouvelle, c'est le thomisme traditionnel de l'Eglise! Jean Paul II avait clairement rappelé dans son encyclique « Fides et ratio » qu'un désaccord entre foi et raison est impossible «étant donné que c'est le même Dieu qui révèle les mystères et communique la foi, et qui fait descendre dans l'esprit humain la lumière de la raison. »(§53)

Benoît XVI a magnifiquement illustré cette conception séculaire, précisant qu'à l'origine de toutes choses il y a la « Raison créatrice » et que « le Logos est présent au milieu de nous. C'est un fait rationnel. »

Le summum du dogmatisme du discours vient, en conclusion, par cette phrase : « Une culture purement positiviste, qui renverrait dans le domaine subjectif, comme non scientifique, la question concernant Dieu, serait la capitulation de la raison. » Remarquons que cette déclaration est dans le droit fil de celle de Jean Paul II prônant, en l'an 2000, au dernier jubilé des scientifiques: « l'élaboration d'une culture et d'un projet scientifique qui laisse toujours transparaître la présence de l'intervention providentielle de Dieu ».

Scientifiques de tous ordres et de tous pays, vous avez désormais du pain sur la planche ! Il faudra, sans plus tarder, vous attaquer à cet objet d'étude: « la question concernant Dieu » ! Je vous imagine déjà solliciter de nouveaux crédits pour équiper vos laboratoires d'instruments horriblement chers, fruits des dernières technologies spirituelles... Bonne chance !

 

L'Eglise ne veut donc pas que la foi soit rejetée dans le domaine d'un subjectivisme psychologique ou social. Elle ne voudra jamais que sa religion soit cataloguée comme une religion parmi d'autres. N'oublions pas que le cardinal Ratzinger fut l'inspirateur de la déclaration
« Dominus lesus » de la Congrégation pour la doctrine de la foi, anciennement l'Inquisition, insistant sur le fait que c'est l'Eglise catholique qui a le monopole de la vraie religion. Cette déclaration, petit syllabus, condamne le relativisme religieux qui douterait de
« la subsistance de l'unique Eglise du Christ dans l'Eglise catholique » (§4). L'Eglise catholique est une Eglise mère, pas une Eglise sœur! La profession de foi du Concile Vatican I est claire : « Moi, Pie, évêque de l'Eglise catholique [...] je reconnais la sainte, catholique et apostolique Eglise romaine comme la mère et la maîtresse de toutes les églises. » Le Catéchisme ne l'est pas moins : « Les fidèles sont tenus de professer qu'il existe une continuité historique, fondée sur la succession apostolique, entre l'Eglise instituée par le Christ et l'Eglise catholique : C'est là l'unique Eglise du Christ... » Le catholicisme est la religion du « rationalisme intégral » prétendait feu Claude Tresmontant qui a voulu fonder sa croyance sur la science et prétendu que ses données ne pouvaient que conduire à l'affirmation de l'existence de Dieu.1

 

Dans l'homélie de Lourdes, je relèverai, de la part de Benoît XVI, deux « péchés » par omission.

Le premier concerne le statut de Marie. Il a été infidèle au dogme

dont il devrait être le gardien car en disant qu'elle a été « conçue sans péché », il a subtilement oublié de qualifier ce péché d'originel. Le cardinal Ratzinger n'a-t-il pas été ici gêné par une fâcheuse discordance entre raison et foi, cette dernière ayant solennellement proclamé en 1854 comme dogme intangible que Marie a été « préservée intacte de toute souillure du péché originel. »2.

On sait aujourd'hui qu'après passage de la science (la théorie de l'Evolution) les théologiens ne savent plus quoi faire du péché originel ! Benoît XVI lui-même, avant d'être pape, dans un prêche en la cathédrale de Munich, n'avait pas hésité à déclarer « inexact » le qualificatif originel. .

La seconde omission a trait aux « miracles de Lourdes » auxquels aucune allusion n'est faite ! Une nouvelle fois des problèmes de rationalité ont dû hanter l'esprit du pape. Sans doute aussi problème de moralité car enfin ces miracles sont si peu nombreux qu'il eût fallu expliquer pourquoi les faveurs de son Dieu très aimant n'étaient accordées qu'à une infime minorité de ses enfants...

 

Ma conclusion sera une invitation pressante à combattre les graves atteintes à la vraie laïcité (la laïcité sans adjectif ni additif) qui risquent de s'amplifier, l'ambition sarkozienne étant, selon l'expression de J.-L. Mélenchon « le retour des Eglises comme actrices de la vie institutionnelle et publique. »

Parler de laïcité positive c'est commettre un pléonasme. « La

laïcité n'a donc pas à devenir positive : elle l'a toujours été, elle est un opérateur de liberté. » (C. Kintzler) C'est contre l'attitude négative du catholicisme qu'ont été promulgués les droits de l'Homme et la loi de séparation de 1905. La laïcité n'est pas un système de pensée, c'est un principe politique conditionnant l'unité et l'indivisibilité de la République de même que l'égalité des croyants et incroyants, dans une mutuelle tolérance.

Il s'agit d'autre part de dénoncer fermement l'annexion dogmatique et impérialiste de la raison et de la science. La science n'a rien à voir avec le problème de savoir si Dieu existe ou n'existe pas ! L'universalisme de la raison scientifique n'est pas compatible avec les particularismes religieux. S'il existe des vérités scientifiques, soumises bien évidemment à l'examen rationnel, en aucune façon on ne peut parler de vérités de foi, ces dernières sont des croyances !

Plus que jamais nous aurons à répéter cette parole de Sigmund

Freud : « notre science n'est pas une illusion. Mais ce serait une illusion de croire que nous pourrions recevoir d'ailleurs ce qu'elle ne peut nous donner. »

 

* alexandre.bruno@wanadoo.fr

 

1. Claude Tresmontant, Comment se pose aujourd'hui le problème de l'existence de Dieu? Seuil, 1966.

2. Pie IX - Bulle « Ineffabilis Deus ».

3. Joseph Ratzinger, Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, Fayard,1986.

 

 

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